Chanoine Gayne
La reconstruction des églises dans le diocèse de Montauban au XVIIe siècle.
Mélanges IV, p. 67
1 / Destructions
Certaines régions ont été particulièrement touchées par les destructions, et parmi elles Montauban et tous les environs.
A partir de 1561, avec l’occupation des édifices religieux par les calvinistes, on commence à « brûler les images », c’est à dire les statues et les objets du culte, à détruire les autels, à l’intérieur même des églises. On comprend aisément que les bâtiments aient souffert de l’incendie et du pillage, avant d’être eux-mêmes plus ou moins détruits.
Au début en effet, on ne s’attaque pas aux bâtiments , mais les assauts répétés finirent par les dégrader profondément ou entrainer leur abandon. En fait le mobilier ne fut pas brûlé : ne furent livrés aux flammes que les objets « qui ne pouvaient être changés sans qu’il en reste trace de superstition » ; les autres qui pouvaient être convertis commodément « en usages licites » furent enlevés et partagés entre les œuvres charitables, les frais de guerre et les soldats, à moins que les catholiques ne les aient préalablement emportés.
Les ravages se ralentirent avec l’abjuration d’Henri IV (1593) et l’édit de Nantes (1598) qui voulait établir la pacification. Mais celui-ci en conservant à Montauban son titre de place de sûreté, reconnu déjà par l’édit de Saint-germain, favorisait la présence et le rassemblement des troupes protestantes, auxquelles se mêlaient toujours des éléments indésirables, ce n’était que des querelles renaissantes, alors que dans l’ensemble de la France revenait la paix religieuse.
Suite à l’échec du siège de Montauban du 1er août 1621 par Louis XIII et le connétable de Luynes, les armées royales se répandirent dans la région et firent payer très chèrement la résistance des Huguenots.. leurs incursions furent nombreuses. Ainsi beaucoup de villages furent le théâtre de sanglants combats, où tout à tour catholiques et protestants triomphèrent et succombèrent, laissant toujours des désastres après eux. La nomination de Saint-André de Montbrun comme gouverneur de Montauban en 1625 amena la reprise de ces affrontements, remplacé ensuite par Saint-michel de la Roche-Chalais, dont les troupes détruisirent de nombreux villages, dévastant toute la campagne en amont de Montauban jusqu’à Fronton et Villemur.
La capitulation de la Rochelle (28 octobre 1628) et la paix d’Alès (27 juin 1629) devaient mettre fin aux troubles religieux. Richelieu vient le 20 août 1629 à Montauban qui lui ouvrit ses portes et lui remit ses clés.
Sans doute les documents comportent-ils quelque exagération sur l’état des églises… Sans doute a-ton conclu trop hâtivement qu’il ne subsistait à peu près rien des églises médiévales, là où les enquêtes et le procès-verbaux des visites canoniques ont été conservés, ils laissent l’impression d’une destruction quasi totale. En regardant le près les documents, on s’aperçoit qu’il ne faut pas tout prendre absolument à la lettre. D’abord ils étaient davantage d’ordre fiscal que pastorale – in visait avant tout à attendrir les autorités pour payer moins de taxes. D’autre part, les mots employés ne sont pas toujours aussi clairs qu’ils paraissent. Que signifie au juste : église rompue, démolie, rasée, détruie, brûlée » ? Bien des fois, comme nous l’avons déjà noté, il s’agit des destruction de mobilier auquel on mettait le feu en haine de l’idolâtrie papiste ». Cet incendie entrainait la destruction du plafond, surtout s’il était en bois ou même de la voûte, et aussi de la toiture ; ainsi les murs subsistaient s’ils étaient solidement construits, mais ils restaient à découvert. D’autres églises ne subirent que des destructions partielles.
D’ailleurs il est bon de remarquer que les églises souffrirent autant des servitudes de la guerres que ce qu’on a appelé le « vandalisme huguenot » proprement dit. Elles tinrent lieu parfois de refuge et des troupes des deux partis y cantonnèrent (soldatesque souvent portée à détruire). Les troubles prolongés et les destructions partielles entraînèrent l’abandon des édifices religieux qui perdirent aux yeux des fidèles leur caractère sacré
Il est difficile de savoir l’état des églises. Les documents sont ici tardifs (visites de 1609 par Anne de Murviel).
Le district de Villemur situé dans la basse plaine du Tarn, semble avoir davantage souffert que les autres : sur 17 églises, la plupart furent plus ou moins détruites, hormis celle de Nohic qui perdit sa voûte. D’autres peut-être ne furent que provisoirement et incomplètement réparée, telles Varennes et son annexe Puylauron, rebâtie au XVIIIe siècle, et la Rouquette, annexe du Born, qui fut l’objet d’un interdit, à cause de sa vétusté, et 12 autres furent reconstruites à peu près entièrement, à commencer par celle de Villemur, qui était la plus importante [Villemur, Sainte-Escariette, Villebrumier, Bondigoux, Le Born, Beauvais, Le Terme, Magnanac, Verhac-Tescou, Bonrepaux, Montdurausse, laVinouse].
Le district de Roquemaure où se trouvaient 25 églises, fut le plus touché » de tous, car il n’vait guère que des églises rurales, souvent isolées, qui étaient davantage expôsées. Il n’en est aucune qui ait été épargnée. Seule, celle de Mézens, quazoique ayant sa voûte détruite, ne fuit pas entièrement ruinée.
Les autres furent :
-soit rebâties au XVII e siècle [Roquemaure, Mirepoix, Réal, Condel, Grazac, Layrac, Grâce, Montlougue, Montvalen, Saint-Gervais, Le Cayre, Montgaillard, Tauriac, Vilette, Saint-Angel],
-soit provisoirement réparées alors et refaites un peu plus tard [Saint-Urcisse, Chaulet, Labouysse, Conques],
D’autres enfin ne furent pas reconstruites et disparurent peu après [Mascale, Lapeyrouse, Saint-Sébastien, Saint-Laurent, Montpélégri].
2 / Reconstructions
La reconstruction se fit généralement vers le milieu ou dans la seconde moitié du XVIIe siècle – une fois la tranquillité revenue, travaux accomplis selon les urgences et les ressources locales.
En plusieurs cas, ce ne furent d’abord que des travaux provisoires tels que le rétablissement de la toiture : ainsi à Villemur en 1613, et le vrai travail de reconstruction ne se fit que plus tard
Travaus s’échelonnant de 1647 ( par ex : Roquemaure) à 1684, avec les années intermédiaires, 1673 pour Villemur, 1680 Le Born.
En 1654 l’évêché fournit 254 pierres d’autel . Peut-être doit-on les restaurations à l’influence de Pierre de Bertier, évêque de Montauban.
Ce travail de reconstruction concerne 102 églises sur 127
En certains cas, on se contenta de la reprise des murs ou à la refection de la couverture. Travail plus ou moins heureux.
L’église de Villemur dut donnée à bâtir par un accor du 10 mai 1673 [3 V 215 f° 112]. Elle fut reconstruites sur les anciens fondements, dans la mesures où ils se trouvaient « assez forts pour soutenir ladite bâtisse » avec des matériaux pauvres, car à partir d’une canne de haut, le rreste de l’édifice était fait « de mortier de terre », – la couverture en bois de sapi, ne forme d’anse de panier ». – la lecture du bail montre assez éloquemment que le travail se fit dans des conditions plutôt médiocres.
Quant aux églises rurales, leur reconstruction se fit en général selon un plan à peu près uniforme, extrêmement simple pour des raisons d’économie dans une région appauvrie, comportant un chœur à trois pans inégaux, une nef rectangulaire, la plupart du temps sans chapelle latérales, couverte d’un lambris ou plancher, avec une tribune rustique au fond, des fenêtres, le plus souvent rectangulaires, garnies de carreaux blancs, et sur la façade occidentale un clocher-mur à une ou plusieurs arcades… les murs se firent souvent en terre battue, du moins pour une bonne part.
On peut donc parler surtout en milieu rural, des constructions fort simples, souvent médiocres, avec une pauvreté imposée à la fois par le manque de ressources et l’urgence des travaux. Le matériau fut souvent du remploi, en général la brique pour ces églises de plaine ou de coteaux argileux.
Ces églises dans leur simplicité même constituent une expression humble, mais sincère de la foi ; souvent faites à la campagne à l’image de l’habitat rural, s’apparentant aux fermes et aux maisons voisines, également pauvrement bâties
Au XIXe ces églises ont été souvent reconstruites, quelques unes transformées par l’adjonction d’un chœur polygonal ou de chapelles latérales, ou la construction d’une voûte et d’un clocher-tour.